Jusqu’où nos conditionnements forgent-ils notre identité?


Non classé / Thursday, May 6th, 2021
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« L’homme est condamné à être libre ; condamné parce qu’il ne s’est pas lui créé lui-même, et par ailleurs cependant libre parce qu’une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu’il fait», Sartre.

Hier soir, un dîner entre ami.e.s.

La confiance entre nous permet d’aborder des sujets plus intimes par instants, alternés par des moments de franche rigolade (qui me semblent au moins tout aussi sérieux et vitaux).

A une amie, je confie le fait que j’ai fait des choix et pris des engagements qui me conviennent pleinement. Pourtant ceux-ci étant multiples et variés, j’ai tendance à sentir mon énergie se disperser.

Je poursuis en notant que ma famille (et mon père notamment), m’ont transmis une valeur du travail importante et l’importance d’être “actif”.

Être actif c’est être un bosseur/une bosseuse, être très occupé.e, avoir plusieurs projets à réaliser en même temps et surtout ne pas avoir le temps.

Elle m’a alors répondu très justement que cette répétition montrait qu’un “beau conditionnement” était à l’œuvre. J’ai opiné du chef. Tout en continuant à profiter des plaisirs de cette soirée je me demandais ce qui ne relevait pas chez moi du conditionnement?

Je rentre chez moi et profite de ce temps particulier entre veille et sommeil,

où les mécanismes de défense se font plus souples et où les réminiscences de la journée, de la semaine remontent à la conscience comme des bulles de savon.

Il me revient plusieurs souvenirs de la semaine écoulée. J’ai entendu une femme dire à un homme qu’elle l’avait frappé parce qu’il l’avait poussée à bout. Dans un autre contexte où nous parlions d’une femme (que je ne connais pas) j’ai compris qu’elle était perçu comme superficielle parce qu’elle souriait beaucoup.

Ces remarques sont passées presque inaperçues.

Et pourtant, comment aurions-nous réagit si un homme avait dit qu’il frappait sa femme parce qu’elle la poussait à bout? Est-ce que j’avais déjà entendu qu’un homme pouvait être “superficiel” parce qu’il souriait beaucoup?

J’ai l’impression qu’il y a des actes, des remarques qui passent quand ils appartiennent à un genre mais, appliqués à un autre genre, nous pourrions nous offusquer ou tout simplement jamais nous permettre de le dire.

Et en fait, quoi de plus normal si nous sommes “conditionné.e.s” ainsi depuis les premiers instants de notre vie?

Pour essayer d’en sortir j’essaye toujours face à une situation de transposer avec un genre diffèrent.

Je dois bien sûr passer à côté de plein de moments et de situations inadaptés, chacun.e ses œillères!

Cela me rassure toutefois quand j’entends qu’un homme grisonnant prend conscience du fait qu’il détient beaucoup plus de temps de parole à lui seul en réunion… que les six femmes qui l’entourent autour de la table.

Quand je m’aperçois que la culture cinématographique et littéraire s’empare de la question du consentement.

Quand je ressens qu’il y a des changements dans l’air, même si pour l’instant c’est sûrement en partie désincarné, pas totalement habité.

C’est un début mais c’est aussi un sacré tournant.

Je pensais régulièrement que j’étais née à une époque ingrate, où les conditions de travail se délabrent à la même vitesse que la qualité de notre air.

Je célébre de pouvoir être témoin de ces prises de conscience sur la condition de la femme, sur les conditionnements liés aux genres, sur notre relation au Vivant. Ce vivant dont nous faisons partie, au même titre que les animaux et les végétaux…ce sera l’objet d’un prochain art

1.Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme

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